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Termes de référence pour réaliser une étude sur la plus-value et sur les limites de l’agriculture familiale et commerciale au Burundi

  1. Contexte et problématique

La population Burundaise vit à près de 90% de l’agriculture et de l’élevage. Cette production agricole est assurée par près de deux millions de petits ménages paysans qui cultivent de très petites portions de terre dont la moyenne serait de 0.50 ha en 2009, selon différents documents nationaux. La médiane est néanmoins encore bien plus faible et serait proche de 0.3 ha surtout sur le plateau central dans la région du Kirimiro et du Buyenzi, selon différentes études réalisées par l’UPH, ADISCO et ADIP et corroborées par celles du PAM. Près de 20% des paysans disposent encore de superficies confortables qui varient entre 1.2 et 2 ha quand la grande majorité survit sur moins de 30 ares de terre suite au morcellement continu par héritage.

Comme l’écrit le DOPEAE : ‘’Le secteur agricole revêt une grande importance pour l’économie burundaise où il contribue à hauteur de 39.6 % au PIB, offre 84% d’emplois, fournit 95% de l’offre alimentaire et constitue le principal pourvoyeur de matière première à l’industrie agricole.’’

C’est dire combien ce secteur est vital pour le pays et constitue l’épine dorsale incontournable pour le développement du pays.  Malgré, les efforts du Gouvernement et l’appui de ses partenaires au développement, le niveau de production reste insuffisant. Les revenus des populations restent très faibles et le développement du pays semble compromis avec un des PIB et IDH parmi les plus faibles de la planète, s’il faille s’en référer aux indicateurs macroéconomiques internationaux.

C’est face à cette situation que le Gouvernement actuel du Burundi a adopté en juillet 2020 un document de politique dénommé : ‘’DOPEAE’’: Document d’orientation de la politique environnementale, agricole et d’élevage qui plante le décor ainsi: ‘’Le développement du secteur environnemental, agricole et d’élevage burundais a été longtemps caractérisé par de faibles performances liées à une faible productivité, inadéquation entre la production agricole et la demande alimentaire de la population sans cesse croissante, la faible implication du secteur privé et l’administration, le manque de technologies et infrastructures post- récolte, ainsi que la faible prise en compte des aspects environnementaux.’’

C’est cette analyse qui conduit à la vision sans ambages du DOPEAE : « Construire un Burundi respectueux de l’environnement où chaque individu ait suffisamment à manger en mettant l’agriculture et l’élevage dans la main de la classe moyenne capable de cultiver d’une manière performante sur des terres bien dégagées, protégées contre l’érosion et bien amendées ».

Le DOPEAE néanmoins cite des avancées spectaculaires au cours des deux dernières années en ces termes : ‘’Grâce à ces efforts du Gouvernement, la production agricole et d’élevage a augmenté d’une manière générale à travers tout le pays. Cela est justifié par la diminution et/ou la stabilité des prix des denrées alimentaires de première nécessité sur les marchés. Cette stabilité alimentaire est due à la disponibilité de la production agricole suite à son augmentation qui s’est observée durant les deux dernières années. Le rapport sur la production des denrées principales nous montre que :

  • La production du maïs a passé de 139 211 tonnes en 2015 à 890 162 tonnes 2020 ;
  • La production du Riz a passé de 55 952 tonnes en 2015 à plus de 300 000 tonnes en 2020 A ;
  • La Production de la pomme de terre a passé de 55 686 tonnes en 2015 à 134 340 tonnes en 2020 ;
  • Le document attribue cette augmentation aux emblavures plus élevées, mais les chiffres sur le riz- les seuls cités dans le texte- indiquent qu’elles sont passées de 12.250 ha à 17.474 ha , soit une croissance de 42% alors que  la production a bondi de 435%. Sauf erreur, la raison doit être cherchée ailleurs que dans les superficies et sans doute aux facilités pour l’acquisition des engrais et des semences à travers différents mécanismes de subvention et de crédit qui ont permis de passer à des rendements moyens d’une tonne à près de 5 tonnes par hectare pour le riz.

Du 18 au 23 janvier 2023 s’est tenu à Dakar, le 2ème sommet sur la production agricole en Afrique avec pour thème : ‘’Feed Africa: Food Sovereignty and Resilience : Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et Résilience’’ sous les auspices de l’Union Africaine et de la Banque africaine de développement. Le Burundi y était représenté au plus haut niveau (SE le Président de la République, le ministre en charge de l’agriculture et une forte délégation) et en est sorti avec un document baptisé COMPACT qui va en droite ligne du DOPEAE avec la volonté encore plus affirmée de lancer deux agropoles, l’un en province de Karusi et l’autre dans le complexe Rugofarm en province de Cibitoke qui va concentrer l’essentiel des moyens de l’Etat sur 4 filières : le riz, le maïs, l’aviculture et la porciculture avec une forte perspective d’exporter des surplus.

De tels choix ne sont pas uniquement ceux du Burundi. Plusieurs pays d’Afrique rêvent de développer leur agriculture sur le modèle des agropoles mécanisés qui usent et abusent des technologies de la révolution verte avec le soutien notamment de AGRA.

Malgré ce contexte difficile, le Burundi importe relativement peu de produits par rapport aux autres pays d’Afrique et le pays a presque toujours réussi à éviter les famines massives suite au génie des petits paysans burundais, au moment où les autres pays africains ploient sous le fait des importations massives. La fête, s’il y en a est néanmoins gâchée par une forte malnutrition surtout infantile d’origine surtout protéinique.

Et pourtant, il existe de par le monde de très nombreuses études scientifiques doublées d’expériences de terrain qui indiquent qu’un tel modèle d’agropoles a très rarement atteint les objectifs de réduction de la pauvreté et de la malnutrition qu’il s’est donné.  Les tenants de ce modèle privilégient le soutien à l’agriculture familiale.

Le 20 décembre 2017, l’Assemblée Générale des Nations Unies, 72e session a adopté la Résolution 72/239 portant la Décennie des Nations Unies pour l’Agriculture Familiale 2019-2028 (DNUAF). Ces nations ont discuté et ont compris la plus-value de l’agriculture familiale (AF). La FAO et le FIDA ont été responsabilisés pour diriger la mise en œuvre de cette DNUAF dans les paysen collaboration avec d’autres organismes compétents du système des Nations Unies, notamment en définissant et en élaborant d’éventuels activités et programmes, dans le cadre de leur mandat et de leurs ressources disponibles et à l’aide de contributions volontaires, le cas échéant.

La Conférence avait longuement mis en exergue l’importance d’un soutien à l’agriculture familiale pour le développement. Le Président du FIDA y a déclaré :  ‘’Pour atteindre les Objectifs de développement durable liés à la Faim Zéro et à la pauvreté, nous devons miser sur les petits exploitants agricoles à travers le monde et les aider à exploiter au mieux leurs atouts, leurs connaissances et leur énergie, tout en les autonomisant afin qu’ils puissent transformer leurs vies et leurs communautés. Les choix que nous faisons maintenant aideront à déterminer si le futur de nos systèmes alimentaires sera sain, nutritif, inclusif, résilient et durable » (https://news.un.org/fr/story/2019/05/1044481)

Bien plus, au mois de mai 2019 à Rome, le FIDA et la FAO en collaboration avec les Etats et ses partenaires dont la société civile et les organisations paysannes ont élaboré et adopté un plan d’action global 2019-2028 et invite chaque pays à produire un plan national qui n’a pas encore pu se mettre en place au Burundi sans que nous ne sachions si une telle démarche a été abandonnée suite aux choix affirmés dans le DOPEAE.

Le pays est donc à la croisée des chemins et est obligé de faire des choix. L’option du non-choix coutera encore plus cher au pays, car le privera de soutiens importants de la communauté internationale. C’est pour aider le pays dans ce processus que l’Association pour la Dignité Paysanne (ADIP, en sigle) en partenariat avec les autres organisations membres du Groupe de Plaidoyer Agricole (GPA, en sigle) engagées dans la promotion de l’AF depuis 2010 cherche à recruter un consultant de haut niveau pour appuyer dans ce processus.

  1. Objectif de la mission

Objectif de la mission : Eclairer les acteurs Burundais dans le secteur agricole à faire un choix argumenté sur le modèle agricole à promouvoir/privilégier pour le développement national.

  1. Questions à répondre

Les questions auxquelles la mission devra apporter une réponse sont les suivantes :

  1. Produire une synthèse de la littérature la plus significative sur le dualisme agriculture familiale et commerciale et les options à privilégier dans un pays comme le Burundi fondée sur un argumentaire solide des deux modèles.
  2. Organiser des rencontres avec les décideurs politiques et la société civile agricole permettant de faire une synthèse critique des positions en présence
  3. Produire une analyse critique du DOPEAE et du COMPACT.
  4. Produire une synthèse documentaire critique sur les agropoles en Afrique
  5. Sur base de visites et entretiens de terrain d’au moins 10 ménages (ou des organisations paysannes) dans au moins 3 zones agroécologiques du pays (Kirimiro, Buyenzi et Imbo) qui pratiquent une agriculture intégrée de type EFI et de 10 entrepreneurs agricoles qui pratiquent une agriculture commerciale, réaliser un SWOT des deux systèmes au Burundi.
  6. Sur base de visites de terrain et entretiens avec les agriculteurs engagés dans des programmes soutenus par des incubateurs : BBIN, FIDA, MDE, etc. dire si les modèles développés sont capables ou non de lever la dualité entre agriculture familiale et agriculture commerciale.
  7. Analyser la pratique de la régionalisation et de la consolidation des terres au Burundi de façon critique en référence avec les choix éventuels d’autres pays d’Afrique.
  8. Face à la concentration progressive des terres entre les mains des plus riches, réaliser une analyse critique du devenir de la paysannerie comme ouvriers agricoles et répondre à la question suivante : les paysans, une fois devenus exclusivement des ouvriers agricoles, quel impact pour se nourrir et pour la rentabilité des agropoles à différents niveaux ? feront-ils à mesure de se nourrir et de vivre décemment et d’autre part, les agropoles peuvent-ils devenir rentables s’ils augmentent les salaires à un niveau satisfaisant ?
  9. Si quelques filières commerciales étaient en mesure d’augmenter les revenus, comment serait-il possible d’assurer aux populations surtout pauvres une alimentation plus équilibrée et vaincre la grave malnutrition de notre pays ?
  10. Quels seraient les avantages de l’AF, comment le pays doit penser sa politique d’industrialisation et d’exportation (le pays fait face à des besoins importants de devises) à partir de l’agriculture sinon à travers l’agriculture commerciale ?
  11. Tirer les conclusions de ces analyses qui permettent de lever l’équivoque agriculture de marché et agriculture familiale à proposer au pays.
  1. Méthodologie et étapes de la mission

Le consultant en sa qualité d’expert proposera la méthode qui lui semble la plus efficace pour répondre à ces questions et son offre sera apprécié en fonction de cela. Néanmoins le travail comprendra :

  • Des analyses documentaires,
  • Du travail de consultation des parties prenantes sous forme de focus groups, d’entretiens et si nécessaire de micro-enquêtes qui peuvent être conduites avant ou pendant la mission,
  • Du travail de synthèse et de traitement de données. Les bases de données doivent être remises aux commanditaires,
  • La production d’un rapport provisoire et l’intégration des commentaires dans un rapport définitif,
  • La restitution publique à un groupe élargi des parties prenantes,
  • Plus tard la modération d’un atelier de trois jours pour lever des options et la validation politique du document (à n’inclure dans l’offre actuelle que pour mémoire et dont les couts ne seront pas pris en considération pour la présente étape)
  1. Profil du/des consultants
  • La mission sera réalisée par un tandem d’un consultant international appuyé par un consultant local qui sera rémunéré par le consultant international qui les inclura dans son offre financière
  • Le Consultant international devra disposer d’un diplôme de haut niveau, minimum : BAC+5 de préférence en agroéconomie, en sociologie, en sciences politiques ou en communication et disposer d’une expérience en Afrique. Une expérience au Burundi constitue un plus
  • Avoir une expérience prouvée d’au moins 10 ans dans l’appui/conseil/plaidoyer sur les politiques/programmes agricoles
  • Avoir réalisé au moins 5 missions d’appui, d’évaluation ou d’accompagnement des programmes de développement rural
  • Connaitre parfaitement les combats des sociétés civiles et des organisations paysannes en Afrique
  • Une très bonne maitrise du français parlé et écrit et d’excellentes capacités rédactionnelles
  • Le Consultant national devra également  avoir un diplôme BAC+5 dans les mêmes domaines, avec une expérience d’au moins cinq ans, parler et écrire parfaitement en français et en Kirundi et avoir travaillé dans des programmes de développement rural de préférence en appui au plaidoyer, maitriser le contexte local pour servir de guide et de coach au consultant international sur le contexte, avoir de bonnes relations avec l’administration, avoir une maitrise des us et coutumes du pays et avoir quelques relations avec les organisations membres du groupe de plaidoyer agricole.
  1. Comment postuler

– L’offre technique comprenant un CV actualisé et signé, les références des missions déjà réalisées avec une copie de la page de garde du rapport, la compréhension du mandat, la méthodologie détaillée proposée et un acte d’engagement pour la disponibilité parfaite au cours de la mission des deux consultants. Si possible des appréciations des commanditaires.

– L’offre financière comprend un fichier Excel, mis en PDF détaillé qui inclut les honoraires, les frais de logement et de nourriture, les frais de location d’un véhicule avec chauffeur et carburant (max : 120.000 BIF/jour pour la location et le chauffeur), les frais de billet d’avion et de visa pour le consultant international. Les frais de secrétariat et de communication ne sont pas acceptés. L’offre doit être ‘’toutes charges comprises’’ notamment les impôts et taxes éventuels. L’offre financière ne sera analysée que pour les premiers trois consultants qui auront présentés une offre technique de plus de 75% des résultats de l’offre technique.

– Les offres se font exclusivement par courrier électronique envoyé simultanément à deo.niyonkuru@outlook.fr et ntimarius@gmail.com avec copie à : alain.vergeylen@philea.coop et lisoir.H@kbs-frb.be

– La date limite pour postuler est fixée au 20 mai 2023 à minuit, heure de Bujumbura (GMT +2).

– Le rapport doit être remis au plus tard le 20 juin 2023.

– Les dossiers ne sont pas restitués.

– Les offres doivent être envoyées en un fichier unique ne dépassant pas 16 MO.

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